Le Divorce International pour les Français expatriés

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Le divorce est souvent une étape complexe tant sur le plan juridique que sur le plan et émotionnel, mais lorsqu'il survient dans un contexte international, les défis juridiques peuvent rapidement se multiplier.

Pour les Français expatriés, il est essentiel de bien comprendre les règles applicables, tant au niveau de leur pays de résidence qu'au niveau de la France.

Cet article propose une vue d’ensemble des questions à prendre en compte en matière de divorce international.


1 - La première question qui se pose est de savoir quel tribunal sera compétent pour prononcer votre divorce.

Si vous résidez dans l’Union Européenne, le seul texte applicable est le Règlement Bruxelles II ter[1], qui détermine les règles de compétence en matière matrimoniale.

Bruxelles II ter - article 3 :

Sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’État membre :

a) sur le territoire duquel se trouve:

i) la résidence habituelle des époux,

ii) la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore,

iii) la résidence habituelle du défendeur,

iv) en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux,

v) la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou

vi) la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est ressortissant de l’État membre en question; ou

b) de la nationalité des deux époux.


Et sauf convention particulière avec certains états (le Monténégro, la Serbie), la France est obligée d’appliquer le Règlement de Bruxelles IIter même si vous ne résidez pas dans l’Union Européenne, même si votre conjoint n’a pas une nationalité européenne.

Donc si vous voulez divorcer en France, il faut vérifier que le règlement de Bruxelles IIter le permette.

Un expatrié français peut donc divorcer en France si :

  • C’est vous qui engagez la procédure et que votre conjoint (même non français) est revenu vivre en France alors que vous êtes resté en expatriation. Si c’est votre conjoint étranger qui engage la procédure, il devra justifier d’une résidence depuis plus d’un an en France pour ce faire

  • l’un de vous deux réside en France et que vous engagez une requête conjoint en divorce (soit que vous soyez tous les deux d’accord pour divorcer et pour saisir le Tribunal français)

  • Si vous avez tous les deux de nationalité française (et ce même si l’un de vous dispose d’une autre nationalité, et même si vous vous êtes mariés à l’étranger, et même si vous résidez à l’étranger).


Ces critères sont importants car ils doivent être appliqués par tous les pays de l’Union européenne. Ainsi un autre pays de l’Union Européenne que la France pourrait être compétent pour prononcer votre divorce (il faut vérifier l’article 3 de Bruxelles IIter).


Enfin, en qualité de français, si votre situation ne correspond à aucun de ses critères, vous pouvez encore divorcer en France les articles 14 et 15 donnant compétence aux tribunaux français pour les mariages mixtes, y compris si ceux-ci ont eu lieu à l’étranger.

Article 14
L'étranger, même non résidant en France, pourra être cité devant les tribunaux français, pour l'exécution des obligations par lui contractées en France avec un Français ; il pourra être traduit devant les tribunaux de France, pour les obligations par lui contractées en pays étranger envers des Français.

Article 15
Un Français pourra être traduit devant un tribunal de France, pour des obligations par lui contractées en pays étranger, même avec un étranger.

Mais attention, votre pays de résidence s’il est situé en dehors de l’union européenne n’appliquera pas le règlement de Bruxelles IIter. Il appliquera ses propres règles pour déterminer s’il est ou non compétent pour prononcer votre divorce.

Plusieurs pays peuvent donc être compétents. Dans ce cas, c’est le premier saisi qui statuera sur votre divorce.


2 - La deuxième question qui se pose est la loi applicable à votre divorce.

En matière de divorce international, il n’est pas seulement question de déterminer quel tribunal est compétent, mais aussi quelle loi s’applique.

Ou plutôt quelles lois seront appliquées, car la détermination de la loi applicable sera différente si on parle du prononcé du divorce (que ce soit un divorce pour faute, un divorce amiable) ou que l’on évoque la résidence des enfants, ou encore la pension alimentaire, et le partage des biens.


Concernant le divorce, la France (et toute l’Union Européenne) est obligée d’appliquée le règlement Rome III.

Ce règlement vous permet également de choisir la loi que vous souhaitez appliquée (sous certaines conditions bien évidement !).

En l’absence de choix, la loi est celle :

a) de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,

b) de la dernière résidence habituelle des époux, pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,

c) de la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction; ou, à défaut,

d) dont la juridiction est saisie.

Donc si vous vivez toujours tous les deux à l’étranger, la France pourra prononcer votre divorce mais pourrait être obligée d’appliquer la loi de votre pays de résidence.


Et les mêmes questions devront se poser de la compétence et de la loi applicable pour chaque demande :

  • Votre divorce
  • Mais également la résidence des enfants
  • La pension alimentaire éventuellement pour les enfants
  • Une demande de prestation compensatoire
  • Ou encore le partage de vos biens.


Les mêmes règles ne s’appliquent pas. Les règles sont spécifiques à chaque question.

En règle générale, le partage de vos biens, si vous n’avez conclu aucun contrat de mariage, sera bien souvent soumis à la loi du pays de votre première résidence commune.

Quant à la fixation de la résidence des enfants et du droit de visite et d’hébergement des parents, si le pays dans lequel vous résidez a signé la convention de La Haye de 1996[2], les seuls tribunaux compétents seront ceux du lieu de leur résidence. Et ce tribunal applique sa propre loi.

La fixation de la pension alimentaire dépend d’un autre règlement, le Règlement européen dit «Règlement aliment» du 18 Juin 2011[3] et du Protocole de La Haye de 2007[4].

Selon ces textes, le tribunal compétent est celui du lieu de résidence du défendeur (celui qui n’engage pas la procédure) ou du créancier (le lieu de résidence de l’enfant). Et ce tribunal applique sa propre loi.


3 - Mais la question la plus importante ensuite est en cas de choix : quel est votre intérêt ? de divorcer en France ou dans un autre pays ?

Si vous êtes un expatrié français et que vous envisagez un divorce, il est fortement recommandé de réfléchir avant d’engager une procédure pour savoir quel tribunal sera compétent, et si vous avez le choix du Tribunal, quel est le meilleur tribunal pour vous.

Toutes les réponses qui viennent d’être indiquées sont les réponses qui sont données par la France (et par les pays de l’union européenne). Les pays hors de l’union européenne ne prendront pas les mêmes décisions, et n’appliqueront pas les mêmes lois.

Il est donc très important, avant d’engager une procédure, de faire un tableau comparatif si vous avez le choix entre un tribunal français et un tribunal étranger pour prononcer votre divorce.

Le choix du pays où sera traité le divorce a un impact direct sur plusieurs aspects :

  • L’application de la loi : votre pays de résidence n’appliquera peut-être pas la même loi que la France (quelle est la loi la plus intéressante pour vous) ; et si la loi étrangère est applicable elle sera peut-être mieux comprise et appliquée par le pays étranger que par la France ?
  • Mais aussi les délais : les procédures peuvent être plus ou moins longues selon les pays.
  • Le coût : les frais d’avocat et les frais de justice varient énormément.

Et enfin se posera la question de savoir si votre divorce étranger pourra être reconnu en France et inversement votre divorce français sera-t-il reconnu à l’étranger ?


4 - Mes conseils pratiques sont les suivants :

  1. Anticipez : si possible, prévoyez les aspects internationaux dans votre contrat de mariage. Car oui, vous pouvez avoir le choix dès votre mariage de régler une partie de ces questions.
  2. Consultez avant d’engager une procédure un avocat spécialisé en droit international de la famille dans votre pays de résidence (ou celui de votre conjoint) et en France afin de faire le bon choix


Bien que le divorce international puisse sembler complexe, une bonne préparation et une bonne compréhension des enjeux vous permettront de vivre cette procédure le plus sereinement possible.


[1] Règlement (UE) 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (europa.eu)
[2]
e74e817b-1faa-4aa9-bd29-3ff68da03f43.pdf (hcch.net)
[3]
Règlement - 4/2009 - EN - EUR-Lex (europa.eu)
[4]
assets.hcch.net/docs/afc4ffca-6eb0-4f68-90c4-90fd214a61a3.pdf


Ecrit pour Expat Pro par Maître Lejeune-Brachet, membre de la Commission Famille et de la commission Internationale du Barreau de Nantes.
Son site : 
https://lejeune-brachet-avocat.com