L’impact du technostress dans nos vies nomades

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Comment les nouvelles technologies touchent
la santé mentale des expatriés 


Les nouvelles technologies ont radicalement changé nos expériences de vie à l’étranger. Les nouvelles formes de communication apparues grâce à l’essor d’internet et des applications de messagerie nous permettent de nous connecter à un monde plus vaste que celui de l’environnement proche, offrant une multitude de possibilités pour les expatriés, tant au niveau relationnel que professionnel. Les progrès en termes d’accès à l’information et à la communication s’associent toutefois à une hausse de l’anxiété induite par cette même évolution technologique. « Technostress » et « Social media blues » sont des souffrances actuelles menaçantes pour tous, et plus particulièrement pour ceux ayant choisi de vivre ailleurs.

 

Une distance et un départ devenus bien relatifs

Les réseaux sociaux et les logiciels de communication permettent de maintenir un lien constant avec des proches plus ou moins éloignés. La distance physique ne signifie plus perdre contact avec son environnement social et familial. Nous pouvons continuer à assister en direct à des évènements ayant lieu à plusieurs milliers de kilomètres de nous. Nous pouvons échanger photos et vidéos, et même jouer en ligne quel que soit le lieu de résidence. Partir ne signifie plus être absent et exclu du cercle familial et amical. L’expatrié reste potentiellement joignable et disponible pour échanger par écrit, par images ou bien verbalement, parfois même davantage que lorsque la question de la distance ne se posait pas.

Si la question de la séparation entre le proche et le lointain est devenue floue avec l’essor d’internet, celle qui dissocie espaces privés et espaces publics est devenue tout autant poreuse. Le monde extérieur pénètre le monde privé, et l’intime s’expose à un public plus ou moins étendu et familier. Même avant d’aller s’installer dans un nouveau pays, il est possible de s’informer sur la culture locale et d’établir les premiers contacts avec les locaux. Il est dorénavant facile de dévoiler aux yeux de tous son cadre de vie quotidien et son expérience internationale à travers des « posts » et des blogs. L’exploration du futur lieu de vie peut être anticipée en amont, l’espace quitté ne correspond plus à un lieu perdu, et le nouveau cadre de vie est aisément partagé avec ceux qui n’y sont pas.


La réalité virtuelle dans le monde professionnel

Des activités professionnelles peuvent également nous suivre au gré des mutations. Ces carrières portables connaissent un grand succès auprès des communautés nomades, avec un essor encore plus important depuis les périodes de confinement liées à la pandémie. Elles permettent une logistique souple et aménageable, indépendamment d’un lieu géographique défini, nécessitant avant tout qu’une connexion internet soit adéquate. Les réunions et les meetings s’effectuent dorénavant couramment de façon virtuelle, avec des intervenants possiblement éparpillés à travers le monde. Même le recrutement ne requiert plus nécessairement la présence physique des postulants, ce qui facilite les recherches d’emplois internationaux. Mais le monde professionnel s’immisçant dans la sphère intime et privée accroit la difficulté de séparer temps de travail et temps personnel, rendant plus complexe les temps d’engagement, de disponibilité et de repos.

L’émergence du « métavers » et des technologies immersives permettant la présence simultanée dans un espace virtuel de plusieurs participants localisés dans différentes régions du monde, interroge sur la nécessité dorénavant de s’expatrier. La dématérialisation de l’espace professionnel permet certes économie et flexibilité, mais elle risque de parasiter encore davantage l’espace personnel des employés reclus dans le télétravail, limiter les interactions sociales réelles, accroitre l’isolement ou même créer des risques de cyberintimidation et de piratage. L’enquête du baromètre Expat Communication 2022 a soulevé la pertinente question de l’intérêt de l’expatriation en ces temps de boom du travail virtuel. Ce qui en ressort c’est l’importance de maintenir l’enrichissement humain, personnel, familial et culturel grâce à la migration réelle, avec une intégration locale qui se veut plus qualitative et des interactions sociales plus intéressantes.


Technostress

Malgré les bénéfices apportés par les nouvelles technologies, un sentiment d’inadaptation au monde digital prend parallèlement corps, et pas uniquement pour les générations plus anciennes qui parfois se sentent dépassées, voire exclues. Le terme de technostress est apparu dans les années 80 pour définir l’anxiété causée par l’incapacité à faire face aux nouvelles technologies informatiques. Les causes en sont la surcharge, le poids, la complexité, l’insécurité et l’incertitude de l’outil informatique. La surcharge technologique provient de la présence de plus en plus omniprésente des outils informatisés dans notre quotidien. L’invasion technologique est liée à l’obligation de s’adapter constamment à ce besoin moderne, qu’on le veuille ou non. La complexité technologique nait de la pression à se conformer aux nouveautés et aux régulières mises à jour. L’insécurité technologique découle des doutes sur les capacités d’adaptation aux exigences techniques de plus en plus nombreuses. Enfin, l’incertitude technologique traduit la peur de l’inconnu quant aux futurs progrès technologiques. En dehors de notre relation à l’outil informatique, l’incapacité à différencier le vrai du faux dans le contenu des messages, ainsi que le flot d’informations reçus quotidiennement, alimentent davantage encore stress et anxiété.

 

L’illusion d’être partout à la fois

Bien que le monde digital permette de garder des contacts à la fois ici et là-bas, il alimente aussi le fantasme de simultanéité. Le risque de vivre sous différents fuseaux horaires peut rapidement s’avérer exténuant pour les expatriés et peut entraver la qualité du sommeil. Une surconsommation des réseaux sociaux risque d’engager excessivement la personne dans le monde numérique au lieu de lui permettre de s’investir dans le monde réel que constitue son nouvel espace de vie. Découvrir un nouveau pays peut faire peur. Affronter les maladresses linguistiques et les difficultés de compréhension d’une nouvelle culture et d’une nouvelle langue peut être source de découragement. S’habituer à de nouvelles coutumes, à de nouvelles façons de faire et d’être peut s’avérer épuisant. Mais maintenir l’illusion d’un contrôle sur son quotidien, même digital, peut freiner l’intégration sociale et saboter une expérience migratoire source de développement personnel et de résilience.

Le FOMO (Fear of Missing Out) ; l’angoisse de passer à côté de quelque chose d’important, et le « doomscrolling », cette façon de faire défiler les résultats sur son écran dans l’espoir d’y trouver une information aguichante, auraient également des effets néfastes sur la sante mentale, activant la production d’hormones de stress. Les alertes et notifications provenant des réseaux sociaux stimulent également le cerveau tout en l’épuisant, offrant des boosts de dopamine à la fois source de plaisir et de frustration, avec une recherche insatiable d’excitation.

     

Social Media blues

L’utilisation massive des plateformes de réseaux sociaux est devenue support de socialisation, pourtant, un décalage peut s’instaurer entre celui qui poste et celui qui regarde. L’image présentée souvent idéalisée, induit fierté et plaisir pour celui qui s’expose, admiration et convoitise chez celui qui observe. Un sentiment de vide, d’incomplétude, de perte de sens, voire de désespoir peut naitre des paillettes d’une publication pleine d’éclats, contrastant avec la probable banalité de la vie réelle. Les expatriés publiant des images de paysages époustouflants, témoignant de l’extraordinaire de vies locales pittoresques, voulant partager leur émerveillement face au différent et à l’inattendu, peuvent en retour obtenir incompréhension devant la complexité d’une situation exposée que de façon partielle. Les éventuelles crises de vie (perte d’emploi, maladies, deuils, séparations, etc.) peuvent provoquer honte, solitude et sentiment d’échec.


Comment combattre le technostress ?

Afin de ne pas se perdre dans un excès de présence virtuelle, plusieurs comportements sont à valoriser. Premièrement, il est important de limiter une utilisation excessive de son téléphone portable et des réseaux sociaux. Par exemple, retirer son téléphone de sa chambre la nuit, ne pas consulter sa messagerie à table à l’heure du diner, ou retirer les alertes sonores des applications, permet de maintenir des temps où l’on décide délibérément d’être indisponible et de se mettre "off line". Deuxièmement, privilégier des activités à l’extérieur de chez soi, que ce soit pour découvrir son monde environnant ou pour construire des interactions sociales réelles et locales, permet d’activer l’ensemble de nos sens et pas uniquement le visuel face à un écran. Même chez soi, s’investir dans des activités créatives et/ou manuelles permet de mettre son savoir-faire et son imagination en action. Enfin, se poser et s’interroger sur la place accordée aux outils technologiques dans notre quotidien permet de différencier la technologie positive qui facilite la vie à la technologie aliénante qui s’avère pour finir néfaste pour notre santé mentale.

 

Ecrit pour Expat Pro par Magdalena Zilveti Manasson, Psychothérapeute et art thérapeute, New Jersey, USA www.thenomadcenterforcounseling.com
Coaching international
www.intelligence-nomade.com
Auteure de « Réussir sa vie d’expat » Edition Eyrolles