L’art-thérapie pour s’exprimer, se comprendre et se soulager au-delà des mots
Il est parfois difficile de trouver les mots pour décrire un désarroi. Certaines impressions ou certaines souffrances ne s’expliquent pas facilement. Les comprendre soi-même peut sembler si ardu que les partager à autrui semble impossible. Un mal-être peut provoquer stress, anxiété, déprime ou angoisses. Il peut se révéler par des pensées, des sensations, des émotions, voire parfois des images mentales. Pour ne pas avoir à verbaliser l’indicible tout en externalisant son ressenti, l’imagination et la créativité peuvent venir en aide grâce à une expression qui va au-delà de la parole.
L’art-thérapie qu’est-ce que c’est ?
L’art-thérapie permet d’accéder à une expression métaphorique des émotions et des pensées. C’est le moyen de stimuler la partie non-verbale du cerveau où se situent davantage l’imagination, l’intuition ou la sensibilité. De nouvelles voies cérébrales de communication sont activées, créant de nouvelles routes neuronales et de nouvelles façons de penser. Les hormones de stress diminuent, ce qui induit un sentiment de sérénité plus important, de meilleures capacités d’introspection, de concentration et de bien-être.
Céline, 6 ans, peint une mer bleue et un grand soleil et me dit que c’est la plage ou elle aimait aller avec son père avant qu’il ne succombe à un accident. Elle ne parle pas encore de lui directement, mais elle parle de ses souvenirs à travers la réalisation d’images mélancoliques.
Le terme d’art-thérapie peut porter à confusion. L’art-thérapie ne signifie pas avoir une prédisposition artistique. L’idée que « je ne sais pas dessiner » n’est absolument pas une contre-indication à l’art-thérapie. Il ne s’agit pas de réaliser une œuvre d’art qui sera admirée, exposée, ou de faire quelque chose qui se doit d’être « beau ». Ce qui est réalisé durant les séances est un travail confidentiel, au même titre que les propos échangés. L’objectif est de mettre en forme des émotions et de stimuler ressentis et réflexions.
A quoi ressemble le travail thérapeutique ?
L’art-thérapie permet une exploration du monde interne, un déplacement du problème sur un support externe et une possibilité d’offrir une autre perspective sur la situation. Le langage thérapeutique est métaphorique, c’est-à-dire qu’il utilise l’objet crée comme substitution analogique permettant de communiquer des émotions trop douloureuses ou des désirs trop puissants ou interdits. L’imagination est la source créative qui va permettre d’exprimer un sentiment, une pensée ou une sensation. Elle peut inciter la verbalisation ou bien réveiller d’autres émotions, ce qui favorise une meilleure compréhension de soi. Le thérapeute peut par exemple demander à quoi ressemble une peine, un cauchemar, un traumatisme ou une impression désagréable. La thérapie peut également permettre d’agir sur l’objet, le transformer, le détruire, l’associer à autre chose, etc.
Bruno, 17 ans, fait un collage sur un masque représentant comment il imagine être vu par les autres. Dans la partie intérieure du masque, il évoque comment lui se perçoit. A travers les couleurs et les images il exprime la souffrance vécue par le harcèlement scolaire. Il pourra rajouter des couches d’imageries pour faire évoluer son masque.
Différents mediums artistiques peuvent être utilisés, par exemple le dessin, la peinture, la sculpture, le collage, le tissu, la laine ou la photographie.
L’art-thérapie pour qui ?
L’art-thérapie est bénéfique aussi bien pour les enfants, les adultes que les personnes âgées. Elle peut être pratiquée en individuel, en groupe, en face-à-face ou à distance. Elle est particulièrement utilisée quand les mots seuls sont difficiles d’accès, comme dans les cas de traumatismes, en milieu scolaire, en hôpital, en maisons de retraite, pour les vétérans, ou lors d’handicaps ou troubles addictifs.
Paul, 8 ans épileptique, dessine des ninjas sur un papier, et m’explique leurs superpouvoirs. Je lui demande s’il en a lui aussi, il me répond qu’il ne sait pas encore mais qu’il aimerait bien apprendre les arts martiaux pour devenir invincible. On va travailler métaphoriquement sur ses forces et ses talents, son estime de soi et sur la façon dont la maladie déteint sur son image de soi et son identité.
Quels sont les bénéfices de l’art-thérapie pour les expats ?
L’art-thérapie peut aider la préparation au départ quand on symbolise dans un carton ce qu’on y met, ce qu’on garde, ce qu’on donne, ce qu’on jette et ce qu’on emmène. Elle peut également aider la construction identitaire des enfants et leur sentiment d’appartenance, particulièrement pour les multi-expatriés. Des exercices comme « à quoi ressemble chez-moi ? » ou bien « et si tu étais un arbre, avec des racines et des feuillages ? » peuvent permettre l’exploration de Soi, l’adaptation, l’intégration, les deuils ou le sentiment d’altérité. L’art-thérapie peut aider les périodes de transitions. La représentation d’un pont peut ainsi permettre d’explorer l’idée de passage et les liens du passé au présent et à l’avenir.
Maria, 64 ans se sent perdue et isolée dans ce pays qu’elle ne comprend pas bien. Elle a le visage fermé et le corps prostré. Je lui demande de me dessiner comment c’était là où elle vivait avant. Son visage s’illumine. Avec enthousiasme elle dessine l’image de sa maison fleurie, là où elle possédait avant un potager et des animaux, tout en me racontant avec jubilation des anecdotes qui la font à la fois sourire et sangloter. Elle exprime ce qui la fait vibrer.
Qui sont les art-thérapeutes ?
L’art-thérapie est une profession relativement jeune qui est plus ou moins bien régulée en fonction des pays. Aux États-Unis, plusieurs états ont mis en place une licence professionnelle obligatoire pour pouvoir la pratiquer et qui ne s’obtient qu’après un master en psychologie et plusieurs stages de formation, suivis de 3500 heures de supervision (pour le New Jersey). Il est nécessaire en effet de bien comprendre l’évolution psychique humaine, les mécanismes de défense et les théories du développement pour pouvoir agir avec prudence et ne pas risquer de nuire plutôt que de soulager. Il est également nécessaire d’avoir des connaissances aigues sur l’impact des médias artistiques, comme les couleurs, les textures, les figures ou les ombres, et de connaitre le processus créateur.
En France le métier n’est pas encore clairement légiféré. Un seul diplôme délivre le titre d’art-thérapeute au sein de trois écoles françaises. Ces écoles demandent au préalable des compétences artistiques reconnues officiellement comme un diplôme des Beaux-Arts. Il existe aussi des diplômes universitaires mention art-thérapie qui sont délivrés au sein des facultés de médecine.
L’art-thérapie c’est mettre des images aux dommage et des couleurs aux douleurs
Ecrit pour Expat Pro par Magdalena Zilveti Manasson, Psychologue et art-thérapeute
Son site : http://www.intelligence-nomade.com/