Introduction
Partir vivre à l’étranger ne signifie pas nécessairement couper tous les liens fiscaux avec la France. Beaucoup de Français expatriés l’ignorent ou pensent, à tort, qu’en quittant le territoire, ils sont totalement exonérés d’obligations fiscales en France.
Pourtant, même en vivant à l’étranger, vous pouvez être tenu de déclarer certains revenus en France, voire d’y payer des impôts.
Une mauvaise compréhension de ces règles peut entraîner des redressements fiscaux, des pénalités, et des intérêts de retard.
Mieux vaut donc anticiper et connaître précisément vos droits et devoirs, afin d’éviter toute mauvaise surprise.
Revenus de source française : que devez-vous déclarer ?
Même en tant que non-résident, certains revenus perçus en France restent imposables en France. Voici les principales catégories concernées :
- Loyers perçus sur des biens immobiliers situés en France (location nue ou meublée),
- Dividendes ou revenus mobiliers versés par des sociétés françaises,
- Plus-values immobilières lors de la vente d’un bien situé en France,
- Pensions de retraite versées par des régimes de retraite français, publics ou privés,
- Revenus d’activités exercées en partie sur le territoire français (consulting, missions ponctuelles, etc.).
Ces revenus sont généralement soumis à un taux minimum d’imposition de 20 %, voire 30 % au-delà d’un certain seuil.
Vous pouvez toutefois demander à bénéficier du taux moyen d’imposition si celui-ci est plus favorable, sur la base de vos revenus mondiaux.
L'importance des conventions fiscales
La France a signé des conventions fiscales bilatérales avec plus de 120 pays. Leur objectif principal est d’éviter la double imposition, c’est-à-dire le fait de payer deux fois l’impôt sur un même revenu.
Trois cas de figure sont possibles :
1. Imposition exclusive dans le pays de résidence fiscale : certains revenus, comme les salaires, peuvent être imposés uniquement dans votre pays d’accueil.
2. Imposition dans le pays de source uniquement : typiquement, les revenus immobiliers sont imposés là où le bien est situé, donc en France.
3. Imposition partagée : dans ce cas, chaque pays impose une part, et des mécanismes comme le crédit d’impôt sont utilisés pour éviter la double imposition réelle.
Chaque convention fiscale est spécifique : les règles ne sont pas les mêmes entre la France et le Canada, la Suisse ou les Émirats arabes unis. Il est donc essentiel de vous référer au texte de la convention en vigueur entre la France et votre pays de résidence.
Si aucune convention fiscale n’a été signée, alors la fiscalité française s’applique pleinement sur tous les revenus de source française, sans neutralisation de la double imposition.
Prélèvements sociaux (CSG, CRDS) : êtes-vous concerné en tant qu’expatrié ?
Les prélèvements sociaux, en particulier la CSG (Contribution Sociale Généralisée) et la CRDS (Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale), sont souvent source de confusion pour les expatriés.
En principe, les non-résidents fiscaux ne sont pas assujettis à ces prélèvements sur leurs revenus de source française, sauf exception.
Si vous êtes non-résident et qui vous n’exercez pas d’activité professionnelle en France, vous ne serez pas soumis aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement de solidarité) sur leurs revenus non immobiliers de source française.
Sont notamment concernés :
- Les dividendes issus de sociétés françaises,
- Les plus-values sur valeurs mobilières françaises,
- Les rachats effectués sur des contrats d’assurance-vie souscrits en France.
En ce qui concerne les revenus et plus-values immobilières, si vous êtes affilié à un régime de sécurité sociale étranger dans l’Union européenne, dans l’Espace économique européen (EEE) ou la Suisse, vous pouvez être exonéré de la CSG/CRDS, mais vous restez soumis au prélèvement de solidarité de 7,5%.
En revanche, les non-résidents affiliés à un régime de sécurité sociale hors UE, EEE ou Suisse (par exemple, aux États-Unis, au Canada ou aux Émirats) restent soumis à ces prélèvements.
En cas d’oubli ou d’erreur : les conséquences peuvent être lourdes
Certains expatriés découvrent des années plus tard qu’ils auraient dû déclarer leurs revenus de source française. Ce genre d’oubli, même involontaire, peut être coûteux :
- Des redressements fiscaux peuvent être engagés sur les 3, 6 ou 10 dernières années,
- Les pénalités peuvent atteindre 40 à 80 %, en cas de mauvaise foi ou de manquement délibéré,
- Des intérêts de retard sont appliqués automatiquement (0,20 % par mois),
- Et surtout, les risques de détection sont de plus en plus élevés, notamment grâce aux accords d’échange automatique d’informations.
Il est donc conseillé de régulariser sa situation spontanément si un oubli est constaté. Dans bien des cas, cela permet de réduire ou d’éviter les pénalités, surtout si la démarche est proactive.
Déménagement en cours d’année : double déclaration obligatoire
Lorsque vous quittez ou revenez en France en cours d’année, vous changez de résidence fiscale en cours d’exercice. Cela implique une obligation de déclaration particulière, souvent négligée.
Vous devez alors faire deux déclarations :
1. Une déclaration en tant que résident fiscal français, sur vos revenus perçus du 1er janvier à la date de départ ;
2. Une déclaration en tant que non-résident, sur vos revenus de source française perçus du jour de votre départ jusqu’au 31 décembre.
Cette seconde déclaration nécessite de remplir un formulaire spécifique 2042 NR, qui peut être :
- envoyé au format papier,
- ou transmis via la messagerie sécurisée de votre espace personnel en ligne.
Exemple :
Vous quittez la France le 15 août 2024.
- Du 1er janvier au 15 août, vous êtes résident fiscal : vous devez déclarer tous vos revenus mondiaux.
- Du 16 août au 31 décembre, vous êtes non-résident : vous ne déclarez que vos revenus français.
Cette transition peut être complexe à suivre si vos revenus sont nombreux ou que vous percevez à la fois des loyers, des salaires, des dividendes, etc.
Il est alors essentiel d’établir une chronologie claire de vos revenus et mouvements.
Déclarer ses revenus français depuis l’étranger
Plusieurs outils sont à votre disposition :
- Le site impots.gouv.fr, accessible partout dans le monde, permet de remplir et déposer sa déclaration en ligne ;
- En cas de besoin, vous pouvez solliciter le Service des Impôts des Particuliers non résidents (SIPNR) basé à Noisy-le-Grand ;
- La messagerie sécurisée permet de poser vos questions, transmettre des pièces justificatives ou déclarations.
Conseil pratique : conservez une adresse mail active liée à votre espace fiscal, et pensez à mettre à jour vos coordonnées postales et bancaires.
Focus : expatriation et patrimoine
Le départ à l’étranger peut aussi avoir un impact patrimonial important :
- Votre assurance-vie française reste fiscalement attractive mais son traitement peut varier selon votre pays d’accueil.
- Certains placements peuvent devenir moins pertinents fiscalement une fois qu’on est expatrié, comme le plan d’épargne en action (PEA), qui peut être conservé, mais sans possibilité de versement.
- Certaines réductions ou certains crédits d’impôt peuvent ne plus être efficaces avec la baisse de revenus déclarés.
Conclusion
Quitter la France ne vous exonère pas forcément de l’impôt sur les revenus français.
Si vous conservez un bien immobilier, percevez des dividendes, une pension, ou réalisez des investissements en France, vos obligations fiscales subsistent. Il convient alors de bien analyser la convention fiscale entre la France et votre pays de résidence.
Prendre le temps de bien comprendre vos devoirs est essentiel pour vivre votre expatriation sereinement et en toute conformité.
Ecrit pour Expat Pro par Constantiam, cabinet en gestion et en ingénierie patrimoniale, qui vous accompagne afin d’anticiper, d’organiser et de structurer votre situation d’expatrié.
Site : https://constantiam.fr/