Le processus de divorce peut parfois être compliqué, surtout lorsqu'il implique des décisions prises à l'étranger.
Et cela se complique encore lorsque vous devez ensuite faire reconnaître votre divorce étranger en France soit pour en obtenir sa transcription sur vos actes d’état civil (mention du divorce sur votre acte de naissance) soit pour en obtenir l’exécution (paiement de la pension alimentaire par exemple).
En France, la reconnaissance d'un jugement de divorce étranger est une étape essentielle pour assurer la reconnaissance légale de ce jugement sur le territoire français.
Il est indispensable que vous ayez le même statut d’un pays à l’autre.
Dans cet article, nous allons explorer ces deux notions (transcription et exequatur) et leur importance.
1. La transcription d'un jugement de divorce étranger
La transcription est l'acte par lequel un jugement de divorce prononcé à l'étranger est inscrit dans les registres de l'état civil français.
Cela concerne votre acte de mariage (même si vous vous êtes marié à l’étranger) et votre acte de naissance.
Cette formalité est cruciale car elle permet de rendre le divorce opposable aux tiers en France et de mettre à jour votre état civil.
Pour qu'un jugement de divorce étranger soit transcrit en France, il faut d’abord qu’il soit déclaré opposable.
Et pour être opposable, plusieurs conditions doivent être remplies.
Très souvent ces conditions sont spécifiées dans des conventions bilatérales entre la France et le pays concerné. La convention précise également les documents qu’il faut joindre à sa demande.
Ces conditions sont très souvent les mêmes, il s’agit principalement de la compétence du juge étranger, de l’absence de fraude et de la conformité du jugement à l’ordre public.
Ces trois critères sont également appliqués par les tribunaux lorsqu’il n’y a pas de convention.
1) La compétence du juge étranger :
Le jugement doit avoir été rendu par une autorité compétente selon les règles du droit international privé.
Si le couple est franco-brésilien, qu’il réside en Italie, on ne comprendrait pas pourquoi l’Espagne pourrait prononcer leur divorce !
Il faut donc respecter la première règle de la compétence du juge étranger.
Dans notre exemple il ne pourra s’agir que de la France, de l’Italie ou du Brésil à l’exclusion de tout autre pays.
En règle générale le juge étranger a vérifié sa compétence et cela ne pose guère de difficulté.
2) L’absence de contradiction avec l'ordre public :
Le jugement ne doit pas être contraire aux principes fondamentaux du droit français.
Il faut alors être très attentif. Plusieurs règles doivent être respectées.
On peut citer les plus importantes.
C’est le fait par exemple que l’autre époux doit avoir été régulièrement convoqué à la procédure. Votre conjoint doit pouvoir faire valoir ses droits, se défendre.
Pas question d’obtenir un jugement de divorce « dans son dos ».
Et il faut également que les droits des époux soient les mêmes ; un divorce par répudiation risque de ne pas être reconnu en France (puisque cette procédure n’est ouverte qu’à un seul des époux, ce qui rompt l’égalité des conjoints).
Le jugement doit également être définitif. Le divorce ne peut pas être transcrit en France s’il est encore possible d’exercer un recours (bien souvent un appel ou un pourvoi en cassation) dans le pays qui a rendu le jugement.
3) L’absence de fraude :
Il ne faut pas que le jugement soit obtenu en fraude.
Dans notre exemple, un des époux ne doit pas profiter d’une période de vacances au Mexique pour divorcer sur place parce que le droit mexicain lui est plus favorable que le droit français, brésilien ou italien. Le juge mexicain ne serait pas réellement compétent, et le juge français considérerait que le jugement a été obtenu en fraude.
La demande de transcription
Elle doit être faite auprès :
- du Procureur de la République du lieu du mariage, et à Nantes si le mariage a eu lieu à l’étranger.
En effet c’est à Nantes qu’est situé le service Central d’Etat Civil qui regroupe l’ensemble des actes d’état civil dont l’évènement a eu lieu à l’étranger (naissance, mariage).
Dans ce cas l’avocat n’est pas obligatoire, vous pouvez le faire par vous-même, si vous vous sentez capable de constituer votre dossier vous-même. - Ou du Tribunal Judiciaire du lieu du mariage (et le Tribunal Judiciaire de Nantes si vous vous êtes mariés à l’étranger).
La procédure n’est pas obligatoire.
Mais elle peut être nécessaire en cas de refus du Procureur.
Et elle peut être nécessaire si vous souhaitez être certain que la transcription ne sera pas remise en cause ultérieurement.
En effet rappelons que la simple mention du divorce sur votre acte de naissance par instruction du Procureur peut être remise en cause devant le Tribunal Judiciaire à n’importe quel moment.
Votre ex-conjoint pourrait parfaitement saisir le Tribunal Judiciaire pour faire retirer cette mention s’il estime que le jugement étranger n’est pas valable.
Et si vous vous êtes remarié, vous devenez alors bigame. C’est votre deuxième mariage qui sera annulé !
Cette mention n’est pas définitive, contrairement à un jugement.
Les pièces à fournir
A minima vous devrez fournir :
- Vos actes d’état civil français : acte de naissance, acte de mariage
- Votre acte de naissance et/ou mariage à l’étranger si vous êtes né à l’étranger ou si vous vous êtes marié à l’étranger
- Votre jugement de divorce
- Un certificat de non-recours (ou non appel, ou non pourvoi selon le pays).
N’oubliez pas que ces documents doivent être traduits (par un traducteur assermenté).
Et pour certains pays ces actes devront être apostillés ou légalisés (avant d’être traduits pour que la traduction soit également effectués sur l’apostille/légalisation).
2. L’exequatur d'un jugement de divorce étranger
L'exequatur est une décision judiciaire par laquelle un tribunal français non seulement reconnaît le jugement, mais également permet son exécution forcée en France.
Contrairement à l’opposabilité qui ne permet que sa reconnaissance, et donc sa transcription sur les registres d’état civil, l’exequatur permet l’exécution forcée du jugement.
Cela concerne bien souvent le paiement de la prestation compensatoire ou des pensions alimentaires pour les enfants (pour effectuer une saisie si la pension alimentaire n’est pas payée).
Mais cela peut concerner également la garde des enfants (si un des parents ne respectent pas la décision ou le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent), ou encore le partage des biens.
La procédure d'exequatur se déroule obligatoirement devant le tribunal judiciaire.
Le procureur ne peut pas ordonner l’exequatur d’un jugement étranger.
Les conditions sont les mêmes que pour l’opposabilité.
Le tribunal va vérifier la compétence de la juridiction qui a rendu le jugement, l’absence de fraude et s'assurer qu'il ne va pas à l'encontre de l'ordre public français et notamment qu'il a été rendu en conformité avec les droits de la défense.
3. L’intérêt de faire reconnaître son jugement de divorce en France
Au-delà de la simple mention sur vos actes d’état civil, il est important de garantir votre sécurité juridique.
Dans un monde de plus en plus globalisé, les mariages et divorces internationaux sont devenus monnaie courante. Les couples peuvent se marier dans un pays et, en cas de séparation, décider de divorcer à l'étranger.
La sécurité juridique est un principe fondamental qui assure la prévisibilité et la stabilité des situations juridiques.
Lorsque des couples divorcent à l'étranger, il est crucial que ces décisions soient reconnues en France. Sans cela, les ex-conjoints pourraient se retrouver dans des situations juridiques complexes qui pourraient mener à des litiges coûteux et chronophages.
Par exemple, un jugement de divorce prononcé à l'étranger peut ne pas avoir d'effet vis-à-vis des tiers en France tant qu'il n'a pas été transcrit. Cela signifie que deux personnes pourraient être considérées comme légalement mariées dans un pays, même si elles sont déjà officiellement divorcées dans un autre.
Un créancier pourrait ainsi saisir les biens d’un époux divorcé pour le paiement d’une dette qui ne le concerne plus puisqu’elle concerne son ex-époux !
De plus et si vous êtes confronté à une inexécution de la décision étrangère, il vous faudra demander l’exequatur pour faire valoir vos droits.
Sans exequatur vous ne pourrez pas forcément vous prévaloir de la décision étrangère.
Cela offre une tranquillité d'esprit aux concernés, sachant que leurs droits sont protégés, peu importe où leur divorce a été prononcé.
Le divorce est souvent une période tumultueuse et émotionnellement chargée. Les questions de garde d'enfants, de pensions alimentaires peuvent très vite devenir sources de tensions. Dans ce contexte, l'exequatur est un outil essentiel pour protéger les droits de chaque partie.
En matière de garde d'enfants, par exemple, un jugement de divorce étranger peut stipuler des modalités de garde qui doivent être respectées en France. Si ce jugement n'est pas reconnu, la situation pourrait s'envenimer, les parents n'ayant pas de cadre légal pour faire respecter leurs droits ou obligations.
Dès que vous avez obtenu votre jugement de divorce à l’étranger, il est conseillé d’en demander la reconnaissance en France.
N’attendez-pas !
Les délais de réponse du Procureur sont parfois très longs ainsi que les délais devant le Tribunal Judiciaire.
Ecrit pour Expat Pro par Maître Lejeune-Brachet, membre de la Commission Famille et de la commission Internationale du Barreau de Nantes.
Son site : https://lejeune-brachet-avocat.com
*L’union européenne a régularisé un règlement dit règlement de Bruxelles IIter simplifiant la reconnaissance des jugements européens dans
l’union européenne.
Les règles indiquées ci-avant ne s’applique alors pas à ces jugements